Mission de terrain et spéléologie dans la vallée de la Cañete

du 07/11 au 08/11/2016 | Tanta, Yuyos, Lima | Pérou

La semaine précédente

Fabien et Boris bossent à l’INGEMMET, l’équivalent Péruvien du BRGM, non dans l’équipe dans laquelle je travaille, mais dans l’équipe hydre-géol. Ils me contactent pour que je les accompagne sur une mission de terrain sur les amonts du rio Cañete, au dessus de Lima. En fait, suite aux drastiques coupures budgétaires de l’institut, ils ont besoin d’un véhicule et d’un chauffeur géologue-spéléologue !

Lundi 07 novembre

Nous nous donnons rendez-vous à 6 h du matin chez moi pour partir assez tôt et éviter les bouchons de la Carratera Central (unique route qui monte directement de Lima sur l’Altiplano et qui permet de passer vers l’Amazonie), mais malgré les rappels, Boris est persuadé que le rendez-vous est à 8 h… Nous le pressons par téléphone, et devons l’attendre presque 1 h…

La sortie de Lima est toujours aussi longue, mais coup de chance, la Carratera Central  est presque dégagée de tout camion. Nous arrivons à San Matteo vers 9 h 30. Quelques kilomètres en amont de San Matteo, nous quittons le goudron pour une piste qui nous fait monter au col au dessus de la Laguna Paccha (4930 m), avant de redescendre vers Carhuapampa. Depuis notre passage de juin, la piste s’est dégradée (ravinements), nous devons rouler doucement. Nous remontons ensuite vers un nouveau col bordé de moraines glaciaires imposantes et arrivons à Tanta à 13 h.

Nous prenons contact avec l’Alcade et un garde parc du SERNAMP. Ce dernier nous accompagne à la résurgence du Rio Cañete. Cette fois, le débit de la résurgence est autrement plus impressionnant qu’au mois de juin, il est de l’ordre de 7-8 m3/s, et différents points de résurgence forment de beaux champignons au dessus des vasques…

Une centaine de mètres en aval des résurgences, nous traversons la rivière pour poser un capteur (CTD) en fixe le long d’une paroi. J’avais prévu le coup et avait emmené ma combinaison néoprène. En conséquence, c’est moi qui me colle à l’installation du tube pour recevoir la CTD, avec de l’eau jusqu’au torse. Nous sommes à 4100 m d’altitude, mais l’eau n’est pas trop froide : 12°C. Pourtant, l’onglet arrive vite…

Après la pose de la CTD et divers prélèvements et mesures, je vais mettre un masque dans les deux vasques les plus en amont, dans le canyon. La première n’est pas celle qui débite le plus, loin de la, mais j’ai quand même du mal à m’en approcher, le courant m’éjecte vers l’aval ! Mais j’arrive à voir d’où vient l’eau : la paroi du canyon plonge à la verticale jusqu’à ~3 m de profondeur. Le sol du canyon est constitué de galets qui descendent en pente vers cette paroi. L’eau sort d’une ouverture de ~3 m de large, et 60 cm de haut. Je n’ai pas pu voir plus loin, mais ça a l’air passable… avec un courant moins fort.

Juste après, je vais voir le point de résurgence que nous avions repéré au mois de juin, à la base de la sortie de la grotte fossile. C’est le point par lequel sort le plus d’eau. L’eau bouillonne dans la vasque, le champignon ainsi formé est entre 20 et 30 cm au dessus du niveau moyen de l’eau… C’est impressionnant et bruyant ! J’arrive tout de même à approcher le point de sortie par l’amont, en rasant la paroi : l’eau sort à 2 m de profondeur d’un beau départ de galerie de 2 m de large pour 1.5 m de haut. Le sol est constitué d’une pente de galets. C’est amplement passable avec un courant moins important ! Ah oui, j’oubliais de dire, malgré le débit important, la visibilité est excellente, l’eau d’Evian semblerait bien trouble à côté !

Au vu de l’heure et étant frigorifiés, moi par mon bain dans l’eau malgré la néoprène de 3 mm, et mes collègues par la bonne rincée que nous avons prise, nous décidons de rentrer à Tanta pour la nuit.

Nous dormons dans une toute petite hospedaje.

Mardi 08 novembre

La nuit a été difficile. Contrairement à mes collègues, je n’ai pas eu froid, j’avais emmené mon gros duvet. En revanche, l’altitude (4270 m) a eu raison de mon cerveau, et Messires Aspirine/Doliprane n’ont pas été efficace contre le mal de crâne. Nous nous levons un peu après 6 h pour partir tôt et profiter de la journée.

Nous décollons finalement à 7 h 15 pour le Tragadero du Rio Cañete, juste en aval de Tanta. Boris et Fabien échantillonnent l’eau s’engouffrant dans la perte pendant que je fouille les parois au dessus. Il y a plein de porches, mais tous ceux que je visite sont colmatés au mieux au bout de 2 m. Je rejoins mes collègues au niveau de la perte. Je n’arrive pas à descendre où nous étions descendu en Juin, il y a beaucoup trop d’eau.

En revanche, juste en aval, nous visitons une perte temporaire du rio, non active ce jour. Le départ avait été repéré par Jean-Loup en Juin, puis revu par Fabien en septembre. La galerie descend en dents de scie, et présente de belles formes d’érosion caractéristiques d’une formation en milieu noyé. Nous avançons tout en levant la topographie. Au début de la galerie, nous sentons un courant d’air soufflant. Nous atteignons un point bas (-19 m) colmaté par des graviers propres au bas d’une galerie descendante à 30°. Un peu en amont, je trouve un passage étroit sur joint de strate. A ce niveau, il nous semble entendre un grondement sourd, lointain. C’est probablement la rivière. C’est à la fois motivant… et flippant quand on sait que nous entrons dans la saison pluvieuse, et que le débit de la rivière dépend aussi du barrage situé en amont. Je suis le seul en combinaison, ce qui fait que je pars seul explorer ce départ. Je descends dans le joint de strate. Ce n’est pas étroit en tant que tel, mais ça frotte de tous les côtés et il me faut réfléchir quant à ma position pour arriver à passer. Le passage est majoritairement vertical, ça facilite la descente. Je descends sur environ 18 m. Les derniers 7-8 m sont très propres, et il y a très peu de sable/galets, ce qui montre que cette partie de la galerie est régulièrement lavée… Je m’arrête sur un petit siphon propre, sans courant et bien clair. Je pressens que je ne suis pas loin du niveau sur lequel s’écoule la rivière. A ce niveau, je ne vois pas de départ, il n’y a pas de courant d’air, et je n’entends aucun grondement que je pourrais lier à la rivière. En remontant, environ 6-7 m au dessus du siphon, j’aperçois un départ horizontal. Etant seul, je ne m’y enfile pas, mais il me semble y entendre le grondement de la rivière, du courant y part, et j’ai l’impression qu’après 2 à 3 m, un conduit subvertical plus important est atteignable. Je remonte vers mes collègues. Au cours de la remontée, j’ai un doute sur le passage que je dois emprunter : vu d’en bas, ça ne parait pas passable, mais pourtant si, c’est bien la… Nous ressortons dehors 1 h 30 après être entrés sous terre, avec 106 m (-19 m) de topographie. Nous n’avons pas topographié le boyau descendant que j’ai exploré seul, il faudra revenir mieux équipé. A partir du départ du boyau, j’ai du rajouter ~18 m de dénivelée, et une trentaine de mètres de développement. Le siphon doit être à environ -30 m.

Il est encore tôt. Nous revenons à la voiture et remontons vers Tanta. Au col avant de redescendre sur Carhuapampa, nous prenons une piste vers l’est entre la Laguna Suyoc et la Laguna Totorel. La piste monte dans des champs de cailloux, puis traverse de grands éboulis de pente. La vue sur les glaciers et la vallée en contrebas est fantastique. Nous passons un col à 4880 m, et redescendons vers la Laguna Parac. La piste n’est plus entretenue, elle est par endroit très ravinée, et il faut faire attention aux blocs qui sont tombés au milieu, blocs parfois assez gros, que nous n’arrivons pas à bouger en forçant à trois… Le passage est fin. Quelques mois auparavant, je n’aurais jamais cru que l’on puisse passer avec un véhicule sur une telle piste. Nous nous arrêtons au niveau du verrou  glaciaire formant le barrage de la Laguna Parac, et descendons à pieds dans la vallée.

Au mois de septembre, Fabien et d’autres collègues de l’INGEMMET ont trouvé une belle perte dans cette vallée. Elle draine plusieurs glaciers importants. Nous descendons avec de quoi échantillonner l’eau, ainsi que de quoi explorer, nous sommes donc chargés. Au court des 100 m de dénivelée de descente, le ciel se couvre, et rapidement, le tonnerre gronde autour de nous. Arrivés à la perte, je suis dubitatif sur le débit de la rivière s’y engouffrant : c’est de l’ordre de grandeur du mètre cube… Et la galerie mesure 1.5 m de large pour 3 m de haut, l’eau cascade avec un raffut du tonnerre. Par acquis de conscience, je jette quand même un oeil. L’eau continue à cascader en aval, et avec ce débit, il n’y a pas le choix, il faut tout équiper en plafond. Et ce n’est pas facile à affirmer à cause de la rivière, mais il me semble qu’il y a un courant d’air aspirant. Dehors, il me semble clair que le débit du ruisseau peut être bien inférieur à certaines périodes. En conséquence, je décide de ne pas équiper en plafond, et de revenir à la période sèche et froide (l’eau provient de la fonte des glaciers sus-jacents), c’est à dire au mois de juin. Peut être que l’accès sera plus facile.

Essoufflés par l’altitude (4500 m), nous remontons lentement à la voiture, sous quelques gouttes. Nous partons à 15 h 30 du fond de la vallée, et reprenons la piste pour rentrer sur Lima par San Matteo et la Carratera Central. En bas de la montée au col à 4900 m, nous commençons à nous poser des questions : l’orage qui a tourné autour de nous dans l’après-midi a fortement arrosé ce col, et tout est blanc… Normal, c’est le début de l’été, et de la saison humide ! Le Hilux que nous avons est équipé de pneus « route », et j’ai peur que nous ayons des difficultés pour franchir le col, et que nous ayons à faire demi tour pour passer par l’aval de la Cañete, ce qui nous rallongerait le retour de 4 à 5 h. Finalement, ça glissouille dans les épingles et dans la descente, mais le 4*4 est efficace et nous arrivons à passer de l’autre côté.

A 18 h, nous rejoignons le goudron, à 20 h, nous entrons dans la banlieue de Lima (Chosica), et à 21 h 30, je dépose mes affaires dans l’appart. Je ramène le véhicule à l’IRD dans la foulée, puis reviens chez moi à pied. Bien claqué, avec de beaux objectifs spéléos pour entretenir mes rêves, je retrouve Morphée un peu avant minuit.

TPST : 1 h 30

Participants à l'activité

Xavier RXavier R.

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